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Date de création : 27.01.2012
Dernière mise à jour :
26.07.2024
379 articles
© teston (photo)
A l'occasion de la fête de Noël je présente aujourd'hui un conte de Noël que j'ai imaginé et qui est extrait de mon livre: " Journal et pensées d'un jeune poète des années 60" (Michel Teston) ISBN 2-9509937-5-3
Vous pouvez lire par ailleurs dans ce blog d'autres passages de ce livre sur la rubrique "Journal et pensées Teston Michel écrivain".
La Burle est un vent des neiges du Plateau ardéchois, réputé terrible...
CONTE DE NOEL
La Burle et les loups
Je me souviens que le papet racontait que son papet à lui disait que si on marchait dans les bois, en allant ou en revenant de la messe de minuit, on entendait hurler le loup dans les belles campagnes de chez nous.
C’est la nuit de Noël qu’on avait le plus de chance de tomber à l’improviste sur les loups, et il nous montrait la canne-épée de nos ancêtres qu’il prenait avec lui, autrefois, quand il allait garder les moutons à la cime du Serre Rouge, près de chez nous.
“Priez le ciel, disait-il, de n’être pas comme ces vagabonds, ces ouvriers agricoles, ces clochards qui couchent dehors, car alors vous n’entendrez pas seulement, vous verrez de vos yeux, au risque d’être dévoré, de grands loups noirs aux yeux verts et brillants, tourner autour de vous en hurlant, menaçants, prêts à vous dévorer. Ayez sur vous un objet béni et signez vous immédiatement, tombez vite à genoux en priant, ou mieux, chantez un saint cantique de Noël...”
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Ne vous est-il jamais arrivé, enfant, de passer la nuit de Noël, seul au coin de l’âtre avec votre grand-père, après avoir déposé vos petits souliers, attendant la venue promise, mais jamais sûre, du Père Noël passant par la cheminée?
Je me souviens... Il faisait terriblement froid ce soir-là. Notre terrible vent des neiges ardéchois, la burle, soufflait à déraciner tous les châtaigniers et tous les hêtres du pays. Toute la famille s’agitait et se pressait pour aller à la messe de minuit. La mamet, le papa, la maman, le tonton et la tatan, mes grands frères, mes grandes soeurs, tous enfilaient leurs manteaux sur leurs vestes, avec force chapeaux et foulards, bérets et cache-nez.
Je restai seul à garder la maison avec le papet parce que j’étais trop petit pour aller à la messe, et lui, il restait aussi parce que ses rhumatismes l’empêchaient de marcher. Il y avait aussi notre chienne, la Misette, et les quatre chats qui étaient par-là, dont le Mistouflet qui ronronnait sur une chaise près de moi au coin du feu.
En partant, le papa venait d’allumer les deux lanternes de la famille dont les bougies, abritées derrière leurs verres, devaient normalement résister à la burle.
Derrière la fenêtre, on voyait qu’il y avait cette nuit-là une grosse lune blanche qui éclairait toute la forêt; la lune courait à toute vitesse à travers les nuages, mais le papet me disait que c’était une illusion, qu’en réalité c’étaient les nuages qui couraient et non pas la lune qui, elle, restait fixe...
Le long cortège de ma famille se mit donc enfin en branle. On aurait dit d’étranges silhouettes ayant un aspect presque effrayant et comme fantasmagorique, si je puis dire.
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La première porte se referma sur eux, mais on entendait quand même la burle qui redoublait de fureur avec, bien sûr, ses petits flocons de neige.
Les éclats de voix du groupe d’ombres noires diminuèrent peu à peu, enfin, on entendit grincer le deuxième portail de fer qui gardait la maison. Cette fois, ils étaient bien tous partis et je restais là, tout seul avec le papet et les bêtes.
Il y avait bien au moins quatre kilomètres à travers bois pour arriver jusqu’à l’église du village.
- C’est bien la première fois, depuis au moins soixante ans, que je manque la messe de minuit, me dit le papet, en claudiquant, après avoir regardé le cortège une dernière fois par la fenêtre, et vérifié que la porte était bien fermée et que le froid ne pénétrait pas trop dans la maison.
Ah! ça, petit, reprit-il, on peut dire qu’il fait bigrement froid ce soir: il gèle à pierre fendre!
Et en gémissant sur ses rhumatismes, il prit lentement une grosse bûche et la mit dans la cheminée en remuant les braises, pour alimenter le feu. Même qu’il se servit du grand soufflet, qui pendait là, pour ranimer la flamme.
- Tiens, la voilà, la bûche de Noël! dit-il.
Puis il sortit un couteau de sa poche et il se mit à carner quelques châtaignes qu’il laissait tomber bruyamment dans une vieille padelle rouillée et fendue de tous côtés, mais prévue à cet effet.
- Tiens! dit-il, nous allons faire une petite rôtie en les attendant, et même que ce sera les dernières de l’année, à part, bien sûr, celles du séchoir. J’en ai récupéré quelques poignées qui ne sont ni gelées ni véreuses...
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Soudain, on entendit, au milieu de la burle, un hurlement terrible.
- Dis-moi, petit, dit le papet, n’as-tu jamais entendu le loup, la nuit de Noël?
Je trouvai qu’il avait l’air un peu moqueur.
- Viens dehors avec moi, nous allons écouter.
- Non! j’ai peur, papet, lui dis-je.
- Sois courageux, petit, c’est une grande qualité d’être courageux, tu verras, surtout quand tu seras grand et que tu seras un homme... et non pas une omelette, comme les filles!
Il me prit par la main, il entrouvrit la porte, et nous restâmes là quelques instants, à écouter. On n’entendait que le bruit effrayant de la burle dans la forêt.
- Ecoute, écoute bien! me dit-il.
Je tremblais de tout mon être, mais c’était plus de froid que de peur. Et soudain, alors que nous tendions l’oreille, à travers tous les bruits qu’on entendait cette nuit-là, nous entendîmes un épouvantable hurlement dans le lointain, malgré le bruit de la burle.
- Tu as entendu? dit le papet, eh bien! c’est le loup!
Il me semblait voir comme un peu de malice dans les yeux du papet, mais ça ne me rassurait guère. Je savais bien que le papet était très courageux. Il avait reçu un éclat d’obus à la guerre de 14. On disait qu’entre autre il avait fait une terrible charge à la baïonnette. Plus de la moitié de son régiment avait trouvé la mort dans cette charge, et lui-même n’en avait réchappé que par miracle.
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- Rentrons, papet, j’ai froid, lui dis-je.
- C’est vrai qu’il ne fait pas chaud, répondit-il.
Et nous rentrâmes aussitôt et il referma soigneusement la porte, pendant que j’avais couru pour retrouver ma chaise auprès du feu.
J’avais bien entendu le loup, et je dois dire que ça me suffisait amplement. C’était inutile de s’attarder là, à se geler, en plus.
Le papet ne se fit pas prier pour me rejoindre auprès du feu.
- J’ai les pieds gelés, dit-il.
Et il quitta ses sabots, dévoilant de grosses chaussettes de laine, et il approcha ses pieds à quelques centimètres des braises.
- Fais comme moi, dit-il. Et n’oublie pas de laisser tes souliers pour le Père Noël.
- Le loup n’empêchera pas le Père Noël de venir, au moins? demandai-je.
- Oh! ça risque rien dit le papet d’un geste évasif.
- Pourquoi? Le Père Noël tue les loups?
- Oh! il n’a même pas besoin de les tuer... il se débrouille...
- Comment ça?
- Le Père Noël, c’est comme le bon Dieu, il fait des miracles, s’écria le papet. Il passe même par la cheminée, sans même se salir, alors tu penses bien que c’est pas les loups qui vont l’arrêter!
Les châtaignes commençaient à se dorer à présent, et le papet, d’une main rude, dure et ridée, mais pas moins experte et très adroite, remuait ou faisait tressauter les marrons dans la padelle.
Derrière la porte et la fenêtre, on entendait la burle qui
redoublait de fureur.
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- J’espère qu’il ne neigera pas d’ici la fin des trois messes de Noël et qu’ils pourront revenir sans histoire, murmura le papet. On va réveillonner après. Ta mère et les femmes ont déjà fait cuire la dinde aux marrons, ton père a trouvé du bon vin... Mais toi tu ne réveillonneras pas, tu iras te coucher. Tu tombes déjà de sommeil.
- Non! j’ai pas sommeil, papet!
- Ta mère te donnera une papillote en arrivant si tu dors pas encore quand ils seront de retour.
- Et le Père Noël? Quand c’est qu’il passera?
- Demain, à ton réveil! Pas de Père Noël si tu ne dors pas! Le Père Noël, tu le vois jamais, il vient quand tu dors... Et qu’est-ce que tu lui as commandé cette année?
- Un train!
- Et tu as été sage toute l’année, au moins?
- Oui, papet, fis-je avec une certaine arrogance.
- Et tu sais ce qui se passe quand on n’a pas été sage?
- Non.
- Au lieu du Père Noël, c’est le Père fouettard qui passe... Et tu trouves un martinet dans ta chaussure, pour que ton père ou ta mère s’en serve contre toi.
- Oh! non! fis-je, en pleurant presque.
- Mais t’en fais pas, va, c’est pas pour toi, dit-il, tu as été sage comme une image... Et qu’est-ce que tu lui as commandé déjà?
- Un grand train, avec la locomotive et les wagons de première, deuxième et troisième classe!
- Un train? Ou la la! Tu n’y vas pas de main morte! Le Père Noël, il ne faut quand même pas lui demander la lune!
Cependant, la rôtie était prête, et le papet retira les deux premières châtaignes de la padelle.
De ses grosses mains de vieux paysan, il se mit à les peler dans un bruit croustillant. Il m’en donna une et il prit l’autre. Mais la châtaigne était bouillante je ne pus la tenir dans mes sensibles menottes. Je la fis passer d’une main à l’autre,
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soufflant dessus pour essayer de la refroidir, et je me mis bientôt à la déguster avec ce ravissement que donne une châtaigne chaude et rôtie par un grand froid glacial d’hiver, devant la flamme crépitante.
Maintenant, Mistouflet, le gros chat angora, était venu sur mes genoux, bien pelotonné et les yeux mi-clos, regardant danser la flamme. Il ronronnait paisiblement et c’était le seul bruit qu’on entendait, à part la burle et le battement lent et régulier de la vieille pendule qui avait un grand balancier de cuivre sur lequel était sculptée un bas-relief représentant une scène champêtre et bucolique avec un berger et son chien. Mes yeux commençaient à papilloter, cependant que le papet se mit à me raconter une histoire...
C’était autrefois, il y a bien longtemps, du temps de son papet à lui et du temps, disait-il, où les femmes portaient des crinolines...
- En ce temps-là, petit, le hameau où nous vivons actuellement était presque un grand village, plein de vie et d’entrain. Il y avait un grand troupeau commun, un très grand troupeau de moutons, qui regroupait tous les moutons du hameau, et tout ça partait le matin au milieu des cris des bergers ou des bergères et ne rentrait de la montagne que le soir, à la tombée de la nuit.
La pâture était là-haut, à la cime du Serre Rouge, car là-haut l’herbe était gratuite et communale et il y avait de plus grands espaces que dans les prés.
En ce temps-là la vie était belle et gaie, malgré toutes les difficultés de l’existence. On partait au son des fifres et des tambourins, au milieu des clochettes des chèvres, des sonnailles des brebis, des aboiements des chiens et de toutes sortes de bêlements. Ce n’était pas facile de mettre en branle un si gros troupeau, et il fallait même des heures, rien que
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pour arriver là-haut, à destination. Aussi, c’étaient souvent les jeunes du village qui gardaient le troupeau, surtout pendant les vacances.
Arrivé à la cime du serre on avait un appétit féroce. La viande était très rare, mais souvent les bergers mangeaient un bout de lard sur le pain grossier, et pourtant si bon, qu’on avait fait cuire dans le four du hameau. Parfois, on avait quelque chope de vin, en plus de l’eau, qu’on buvait avec plaisir. Les moutons eux-mêmes s’attaquaient de bon goût à l’herbe nourrissante du serre, et aux genets, avant que n’arrivent la chaleur et les mouches, l’été, ou encore la burle, l’hiver; tandis que les chèvres, plus espiègles, plus malicieuses que les moutons, et qu’il fallait toujours surveiller de près, cherchaient à manger quelques bourgeons ou quelques écorces d’arbres.
Après quelque temps de repos et lorsque la faim du matin était apaisée, on passait parfois aux jeux avec les filles, on riait, on blaguait, on dansait la farandole, au son du fifre et du tambour. Cette année-là, il y avait deux bergers: le Pierrot et le Jean-Louis, ils savaient jouer du fifre et du tambour. C’étaient de vrais petits musiciens, et je crois que c’est à cause de leur talent qu’ils attiraient les filles et la jeunesse du pays.
Voilà comment se passaient les choses, du moins pendant les grandes vacances et la belle saison. Ah! petit, qu’est-ce qu’on a pu danser et rigoler en ce temps-là! On n’avait pas besoin de voitures, comme aujourd’hui, pour aller s’amuser!
Bien sûr, c’était autrement plus dur en hiver, surtout quand il y avait la burle ou même de la neige sur les hauteurs, ou des congères par-ci, par-là.
Mais ce que je voulais te raconter se passait justement la veille de Noël... L’hiver, la plupart des jeunes restaient à travailler la terre, en bas, ou étaient à l’usine, comme beaucoup de filles, mais on faisait souvent des veillées au coin du feu, un peu comme ce soir.
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Même en hiver, on sortait le troupeau tant qu’on le pouvait pour économiser le foin. Ce jour-là, je m’en souviens, c’était le Pierrot qui devait sortir le troupeau, et Anne, sa voisine, dont il était un peu amoureux, l’avait accompagné.
Ils partirent tous les deux pour la montagne, tout enroulés dans leurs capes, à cause du froid et de la burle.
C’était un 24 décembre, un jour sombre d’hiver. Et vers le milieu du jour, là-haut à la pointe du serre, un vent glacial se leva soudain et de petits flocons se mirent à tomber. Anne et Pierrot s’étaient abrités dans une cabane et se chauffaient comme ils le pouvaient. Dans la cabane on pouvait bien toujours faire un peu de feu, mais on était quand même aux quatre courants d’air, et c’était toujours insuffisant pour se chauffer. Il fallait souvent sortir de la cabane et courir après les bêtes pour les faire tourner ou pour ne pas se laisser gagner par le froid.
Le Pierrot était jeune, il devait avoir dix-huit ans à peu près. C’était un brave garçon, très sympathique quoique timide et mélancolique parfois. Tout le monde s’accordait pour voir en lui le meilleur joueur de fifre du pays. On ne savait même pas d’où lui venait ce don, mais le fait était là, dès qu’il jouait, on était fasciné, il s’accompagnait du tambourin quand son ami Jean-Pierre n’était pas là pour le faire. Il chantait bien aussi, c’était un vrai petit poète, il inventait même des chansons. Mais il ne faut pas croire qu’il n’avait pas les pieds sur terre. Un berger est toujours un berger, et quand il fallait aller chercher les bêtes, couper du foin à la faux ou du bois à la hache pour se chauffer, il n’était pas le dernier.
Le fifre n’était pour lui qu’une distraction, un instrument qui lui servait à traduire ses sentiments...
Ainsi, lorsque la nuit tombait par les chaudes journées d’été, c’était un vrai plaisir de l’entendre sur la montagne, au fond d’un bois ou encore sur la petite place du hameau, au milieu
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des jeunes. Tout le monde, même les vieux, se mettaient à l’écouter ou à danser. Les filles, comme Anne, s’intéressaient beaucoup à lui. Mais Pierrot n’était pas tout à fait comme les autres. Il y avait quelque chose de mystérieux en lui, quelque chose d’incompréhensible, quelque chose d’infini. C’est peut-être, ça, un vrai poète. Il jouait des airs joyeux entraînants le plus souvent, mais il y avait malgré tout chez lui, quelque chose de mélancolique. La musique était pour lui-même un mystère, une chose sacrée, et il faisait passer ce mystère. Quand il jouait, on sentait qu’il se passait quelque chose.
Il était sans doute à la recherche d’un idéal et c’est en recherchant cet idéal qu’il élevait finalement les autres. Quand il s’arrêtait de jouer, il quittait alors sa stupeur et redevenait un jeune comme les autres, au milieu de ses copains.
Bien qu’admiré parfois, il restait mal compris par son côté charismatique et sacré. On gardait ses distances avec lui, par respect ou par jalousie, et il en souffrait quelque peu. Les filles aimaient bien l’écouter et danser, mais, à part peut-être Anne, aucune ne l’aimait, elles allaient toujours avec les autres garçons du groupe.
- Qu’est-ce que tu racontes, papet? J’ai sommeil!
- T’as qu’à dormir, si tu veux, on te réveillera quand ils reviendront. Tu me fais perdre le fil, où en étais-je?
- Ah! oui, je disais que si la petite Anne, à peine plus jeune que le Pierrot, était venue ce jour-là avec lui, c’est un peu parce qu’elle avait été obligée. Comme le troupeau était commun, la règle voulait qu’un petit berger ne soit jamais seul, mais toujours avec un autre jeune, garçon ou fille, car les parents d’Anne avaient un troupeau mais n’avaient pas de fils.
Anne était bien la plus jolie des filles du village, en ce
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temps-là, mais c’était aussi la plus délurée, la moins sérieuse en quelque sorte, et pour elle le Pierrot, surtout seul, était trop grave pour l’égayer.
Lui, bien que jeune, il avait déjà honte de sa maladresse auprès des filles. Il parlait peu, et chaque fois qu’il le faisait, c’était d’une manière gauche. Il n’y avait que lorsqu’il donnait des ordres à son chien qu’il s’en sortait à merveille, grâce à son admirable coup d’oeil pour mener et pour garder le troupeau...
En cette veille de Noël, ils étaient donc tous les deux seuls sur la montagne et il était bien prévu qu’ils ne devaient pas s’attarder, surtout Anne qui devait revenir pas trop tard, et rentrer les bêtes bien avant la nuit, pour cause de froid et de messe de minuit.
Malheureusement la burle en décida autrement.
En effet, à peine arrivés à la cime du serre, le temps changea rapidement. La burle vous réserve parfois ce genre de surprise. En l’espace de quelques minutes de gros flocons apparurent. On n’y vit plus rien. Les bêtes s’affolèrent mais au bout d’un moment elles se lassèrent de bêler et se regroupèrent les unes contre les autres pour se donner du courage et de la chaleur.
Quant au Pierrot et à son amie Anne, ils décidèrent, au moins dans un premier temps, d’aller s’abriter dans la cabane qui était là, tout près, et qu’on distinguait encore avant que tout soit recouvert par cette burle qui d’un coup se mit à souffler comme jamais.
Ils soupirèrent de soulagement en ouvrant la porte qui branlait toujours et fermait si mal. Au moins là, la burle ne les transpercerait plus de froid.
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- J’ai peur, j’ai peur! s’écria Anne. On ne voit plus rien! Nous allons mourir là! Nous sommes coincés par la neige. Jamais nous ne pourrons redescendre. J’ai peur!
Pierrot aussi était pâle, autant de peur que de froid, mais il embrassa pudiquement Anne un instant, comme pour la consoler. Puis, la relâchant, il dit:
- Je vais faire du feu. Heureusement qu’il y a toujours une petit réserve de bois dans la cabane. Cela nous réchauffera, le temps de réfléchir un peu à ce que nous allons faire... Cela ne va pas durer.
Cela ne va pas durer, disait-il, mais dans le fond il ne croyait pas un mot de ce qu’il venait de dire...
La burle redoublait. Anne pleurait de désespoir. Pierrot craqua plusieurs allumettes avant de voir enfin le feu démarrer, et une flamme apparut, essayant, encore en vain, de réchauffer le couple de bergers...
A présent c’était le bruit de la burle qui était effrayant. Etre ainsi seuls dans le vent, le froid et la neige, à la cime de la montagne, en plein hiver, bientôt en pleine nuit, mais comment avait-on pu faire pour en arriver là? Mais pourquoi avait-on décidé de sortir les bêtes? Tout ça pour économiser un peu de foin, parce qu’on n’était pas riche dans le coin? Mais que diable faisait-on ici, surtout un jour pareil?
- T’en fais pas, Anne, dit Pierrot, nous ne mourrons pas de froid: le feu est parti, cette fois, et on a du bois pour au moins trois jours!
Mais Anne pleurait toujours, silencieusement cette fois.
La burle redoublait de rage, la neige tombait à gros flocons, le serre tout entier était blanc, si on avait pu bien le voir dans
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cette tourmente. La couche de neige montait à vue d’oeil, centimètre par centimètre. Sûr qu’on allait être fait comme des rats!
- Redescendons vite! dit Anne, avant d’être complètement ensevelis!
- Et les bêtes?
- Si elles nous suivent, tant mieux, sinon, tant pis, partons vite, Pierrot, avant qu’il ne soit trop tard!
Mais Pierrot n’arrivait pas à se décider.
- Cela ne va pas durer, disait-il, ça va s’arrêter et dans une heure, on y verra plus clair et on pourra redescendre.
- Partons, partons! insistait-elle.
Pierrot ouvrit la porte pour mieux juger la situation, mais la burle en profita pour les cingler de froid à l’intérieur de la cabane, et elle était prête à éteindre la flamme qui les réchauffait.
- Impossible! répondit Pierrot, on n’y voit pas à dix mètres, on se perdrait dans le bois, sans savoir où on est, tandis qu’ici, au moins, on est à l’abri, protégé de la neige et du froid, même si dedans on se gèle encore .
- On ne peut pas redescendre au hameau?
- Non! parce que le principal problème c’est qu’on n’y voit pas à deux mètres, même en plein jour. On se perdrait dans la neige. Les autres hameaux, les maisons dans le lointain qui nous permettraient de nous repérer, on ne risque pas de les voir dans cette bourrasque et cette obscurité...
- Alors, qu’est-ce qu’on fait? Fit-elle, toujours aussi apeurée.
- Attendons que le temps s’améliore, et tant pis s’il faut passer la nuit ici.
Et, joignant le geste à la parole, il essaya à nouveau de la prendre dans ses bras, mais elle se dégagea promptement. Et Pierrot pensa une fois de plus que décidément il n’avait pas de
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succès avec les filles...
- Puisqu’il n’y a rien à faire, couchons-nous sur la paillasse en nous abritant sous cette vieille couverture...
Anne n’était pas convaincue, mais la burle soufflait toujours. C’était effrayant, et il n’y avait rien à faire. Le temps passait. On allait faire comme disait Pierrot: attendre, attendre longuement jusqu’à ce que cette maudite burle s’arrête.
Au bout d’un moment, transie de froid, elle consentit à s’allonger sous la couverture auprès du Pierrot qui n’en finissait pas d’entretenir le feu.
Il lui caressa alors ses longs cheveux, et elle sembla se détendre un instant; ses larmes disparurent.
Pierrot ne savait pas s’il devait être content de sentir enfin son rêve se réaliser: tenir cette jolie fille dans ses bras ou se désespérer de ce mauvais temps, mortel et atroce...
En tremblant et en pleurant autant l’un que l’autre ils s’étreignirent et s’embrassèrent ne fût-ce que pour se réchauffer...
- T’en fais pas, Anne, dit Pierrot, comme pour se donner du courage, cette burle va bien s’arrêter... On en a vu d’autres...
Mais la burle soufflait toujours, et quand elle s’arrêtait quelques secondes, tout était d’un silence désespérant. On n’entendait même plus les clochettes des bêtes. Sûr qu’elles s’étaient elles-mêmes blotties les unes contre les autres, à attendre, elles aussi...
Et le temps se mit à passer, silencieusement, à peine interrompu par les quelques mots que les deux bergers s’adressaient de temps en temps.
Et la nuit finit même par arriver. Tant pis, on passerait la nuit ici, et demain, dans la clarté, même s’il y avait un mètre de neige, on descendrait au hameau, comme des alpinistes.
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Pierrot ouvrit sa musette dans laquelle il y avait une bouteille de vin, du pain et du fromage. Il y avait aussi son fifre, mais bien sûr il n’avait pas le coeur à en jouer.
Il partagea son pain et son vin avec sa compagne, gardant quelques réserves pour le lendemain, et finalement, au milieu de la burle ils essayèrent de dormir un peu, dans les bras l’un de l’autre.
Ils étaient aussi puceaux l’un que l’autre, car on est très pudique dans nos campagnes. Est-ce l’effet d’un lointain jansénisme, est-ce la peur du péché, est-ce le retard proverbial des paysans, ou encore la culture locale, toujours est-il que c’est dans ces difficiles circonstances que les deux adolescents se mirent à découvrir l’amour. Un amour profond, absolu et puissant comme ce n’est pas permis. Et ils s’aperçurent alors qu’ils s’aimaient l’un l’autre et s’adoraient. Et ils se redemandaient l’un l’autre des caresses à n’en plus finir, en une véritable nuit d’amour, et tant pis si tout concourait à les empêcher de fermer l’oeil...
Sans doute réussirent-ils, malgré tout, à dormir un peu...
Mais au milieu de la nuit, la Misette qui pourtant s’était tenue bien tranquille tout ce temps aux côtés de ses maîtres, se mit à aboyer à mort et à les réveiller en sursaut.
Et on entendit des bêlements de désespoir et de multiples aboiements ou grognements menaçants à l’entour.
- Qu’est-ce qu’il se passe? dit Pierrot.
Les deux bergers ouvrirent la porte de leur cabane, voyant au passage que la burle soufflait moins fort et surtout que la neige ne tombait plus, bien qu’il y eût déjà une couche d’environ quarante centimètres.
- Je crois que c’est une brebis qui accouche, dit Anne.
Et elle s’éloigna rapidement de la cabane à la rencontre de ces brebis qui bêlaient désespérément.
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Mais à peine eût-elle fait une trentaine de mètres qu’en guise de brebis parturiente elle tomba nez à nez sur un énorme chien menaçant, puis un autre, puis un autre. Elle comprit alors que ce n’était pas un chien ou même des chiens qui étaient là, mais des loups, et que sa dernière heure était arrivée. Elle se mit à hurler:
- Pierrot! les loups! les loups!
Une meute de loups se mit à l’entourer, ils étaient littéralement prêts à la dévorer comme ils étaient en train de le faire avec une malheureuse brebis. Sûr que son compte était bon et même que ça n’allait pas traîner.
Alors, Anne leva les yeux au ciel, puis tomba à genoux, les mains jointes, faisant sa prière avant de mourir déchiquetée par ces bêtes féroces, affamées et assoiffées de sang, dévorant déjà les brebis.
C’est alors que Pierrot, qui était occupé à ranimer son feu, sortit à son tour de la cabane, ahuri, n’en croyant pas ses yeux: oui, c’étaient bien des loups!
Il se précipita dehors avec son grand bâton de berger qu’il fit tournoyer en hurlant, cependant que la Misette à ses côtés aboyait tant qu’elle pouvait.
Les loups, surpris, avaient hésité et reculé un peu alors même qu’ils allaient littéralement dévorer la jeune bergère dans les secondes qui auraient suivi. Anne se releva vite et se replia près du Pierrot et de la Misette, cependant que les loups se ressaisissaient, et pas plus effrayés que ça par le bâton, les gesticulations et les cris du Pierrot, ils s’apprêtaient cette fois à contre-attaquer et à dévorer tout le monde dans une rage folle.
C’est alors que le Pierrot qui était aussi croyant que sa copine Anne, eut l’idée de sortir son fifre de sa poche, et, pensant qu’on était en pleine nuit de Noël et que le bon Dieu ne pouvait
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pas les abandonner ici dans la neige, sur la montagne, en pleine burle au milieu des loups, alors même qu’il venait juste de naître pour sauver tous les hommes, le Pierrot, donc, se mit à jouer divinement un cantique de Noël: “Il est né, le divin Enfant” en battant la mesure avec son grand bâton et en s’approchant des loups pour les défier et pour les chasser.
Alors le plus agressif des loups, qui était aussi le chef de la meute, entendant une pareille musique se mit à s’aplatir devant le Pierrot, comme pour s’excuser devant Dieu et devant les hommes, puis en maugréant quelque grognement, il fit demi-tour, ce que voyant toute la meute des loups prit la poudre d’escampette...
- Jésus, Marie, Joseph! Merci! Merci mon Dieu! s’écria Anne en se signant...
Et il se produisit un vrai miracle, car, non seulement les loups s’enfuirent, mais la neige et la burle s’arrêtèrent sur le champ. Les bêtes se mirent à bêler et à se rassembler autour de leurs pâtres qui les sauvaient du loup. Les clochettes des chèvres et les sonnailles des moutons se joignirent au merveilleux fifre de Pierrot pour chanter Noël. Tant et si bien que tout ce monde se mit d’accord pour redescendre maintenant, tout de suite, en pleine nuit, à la clarté de la lune et des étoiles, vers le hameau libérateur...
Et malgré la neige qui ne tombait plus fort, on y arriva, même si cela demanda deux heures de plus que d’habitude...
En bas, le réveillon n’était pas fini, et comme on était en souci, plusieurs étaient venus au-devant du troupeau.
Les bêtes furent rentrées. Il en manquait trois à l’appel. On retrouva leurs restes le lendemain: les pauvres bêtes avaient été déchiquetées par les loups, auxquels on ne croyait plus: disparus depuis quelques lustres ils étaient donc de retour, il faudrait se méfier à l’avenir...
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Cependant, autour des restes de la dinde aux marrons, du bon vin et autres friandises, Anne et Pierrot racontèrent leur incroyable histoire.
C’était si émouvant qu’on décida de les fiancer sans problèmes... Et c’est ainsi que finit cette histoire...
Le papet s’arrêta de parler car son petit-fils dormait à présent... Quand l’enfant se réveillerait ce serait pour voir non pas le train électrique avec les rails et tout le tralala qu’il avait commandé au Père Noël, mais une simple Micheline... Avec une clé, il monterait le ressort, et la Micheline roulerait sur le plancher, à sa grande joie.
Le papet avait entendu comme un bruit familier. Il courut aussitôt à la fenêtre: oui, c’était bien le petit cortège de la famille qui revenait, tout emmitouflé, des trois messes de minuit.
Un autre réveillon allait maintenant commencer. Il se pourléchait les babines à la pensée qu’il allait enfin goûter à la dinde aux marrons. Subitement, il ne sentait plus ses rhumatismes, il se précipita sur la table de la cuisine, choisit sa bouteille préférée, la décapsula, s’empara du tire-bouchon et se mit à le visser dans le liège. Et au moment précis où les premiers arrivants ouvrirent la porte en disant:
- Ça y est, c’est fini! Le réveillon peut commencer, on va se régaler!
Et pendant qu’on quittait les vestes, les manteaux, les fichus, les bérets et les cache-nez, le papet, lui, fit entendre le bruit chaleureux et familier de la dive bouteille qu’on débouche les jours de grandes fêtes...
- Enfin, vous voilà! répondit-il, ce n’est pas trop tôt! On a assez attendu, nous aussi... Ces trois messes m’ont donné soif,
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couillons! Bon! tout est bien qui finit bien... Passons aux choses sérieuses... On va s’en mettre plein la lampe, maintenant, et buvons un bon coup!
© Michel Teston "Journal et pensées d'un jeune poète des années 60" ISBN 2-9509937-5-3
En haut: une de mes photos du Plateau ardéchois, en automne.
Ci-dessous: ma chanson en patois: Reveyre soun poï (Revoir son pays ardéchois).
Je lirais ça en plusieurs fois Michel
Bisous bonne soirée
http://patricia93.centerblog.net
Merci beaucoup, Patricia, joyeux Noël, et bravo pour tes chansons.
Merci Michel
Bonne nuit
Bisous
http://patricia93.centerblog.net
Merci Michel pour ce texte
dont la lecture se fera en quelque fois
je te souhaite d'excellentes fétes
Amicalement
http://cyclisme31.centerblog.net
Bonjour / Lou bon-jour!
Je viens d'écouter vos deux chansons en patois: "Reveyre soun poï" et "Ordetcho", quelle agréable surprise! Avez-vous d'autres tettes en patois ardéchois, chantés ou non ? Nous sommes un groupe de patoisants cévenols dans le Gard: LOU CLU (ça veut dire "le club", la rencontre traditionnelle dans les rues quand il fait beau, pour bavarder entre voisins et amis) et on s'intéresse à tout ce qui est en patois cévenol (donc tout le sud de l'Ardèche) alors si vous avez des textes on pourrait les publier (je fais des livrets d'une cinquantaine de pages, plus de 110 publiés à ce jour!)
C'est un réel plaisir d'entendre un chanteur qui " a l'accent", le vrai, et qui ne fait pas semblant de chanter en "occitan", une langue qui n'existe pas.
Vive le patois, vive Michel Teston !
Je vous remercie de votre sympathique commentaire.
Pour le reste, ça me pose des problèmes en ce sens que toute publication de mes textes ou chansons remettrait en cause mes droits d'auteur, et même de compositeur. Je veux bien publier mes textes sur mes pages du Net mais publier sur une revue ce n'est pas mon but et je ne le veux pas.
Afin de vous témoigner ma sympathie je vous autorise cependant à publier les couplets de l'Ordetcho que j'ai recueillis et transcrits à ma façon. En échange, j'aimerais recevoir un exemplaire gratuit attestant de sa publication
(Préciser: Couplets recueillis et transcrits par Michel Teston, écrivain).
Avec mes sentiments les meilleurs. M.T. (contact-tramon@orange.fr)
http://teston.centerblog.net
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